CM 2022 : Messi et Alvarez propulsent l’Argentine en finale
Buteur sur penalty et passeur décisif pour Julian Alvarez, auteur d’un doublé, Lionel Messi a envoyé l’Argentine en finale de la Coupe du Monde au terme d’un match nettement remporté contre la Croatie (3-0).
Quand l’altitude s’élève et que l’air se raréfie, le charme d’une Coupe du Monde réside aussi dans ses combats irrespirables. Argentine-Croatie était à ranger parmi ces batailles improbables : qui aurait imaginé que leurs routes se croiseraient au pied de la dernière marche ? Tout ou presque les séparaient. D’un côté, un grand pays, champion d’Amérique du Sud porté par un Messi en mission pour sa dernière croisade, dans une atmosphère volcanique. De l’autre, une petite nation de 4 millions d’âmes, vice-championne du monde en titre, froide et méthodique pour déjouer tous les pronostics. La renaissance d’un géant face à une sorte de miracle permanent.
L’Argentine a piqué à la première erreur croate
Dans un Stade de Lusail acquis à sa cause, l’Argentine, qui retrouvait cet écrin pour la 4eme fois depuis le début du tournoi, se frottait à un adversaire organisé de façon presque militaire pour la faire déjouer. Ainsi, cette première demi-finale appelait une bataille tactique intense, où vigilance et patience devaient être les maîtres mots.
Il n’a pas fallu attendre longtemps pour voir où se situerait le rapport de force : l’Argentine et la Croatie n’ont ni la même approche, ni les mêmes secteurs forts – avec son trio Modric-Kovacic-Brozovic, l’équipe de Zlatko Dalic présente peut-être le meilleur milieu de terrain du tableau -, mais elles se rejoignaient sur leur désir de s’adapter à l’adversaire. Pour l’Argentine, c’était l’une des clés de cette rencontre : l’Albiceleste pouvait-elle répondre à la maestria du milieu croate pour ne pas laisser le ballon dans des proportions trop importantes ?
L’entame de match a livré des éléments de réponse. Les Croates se sont appuyés sur leurs circuits bien huilés pour s’offrir quelques belles séquences de conservation dans le camp argentin. Des orientations de Modric aux projections balle au pied de Kovacic, la bande à Dalic a presque tout bien fait dans la préparation de ses actions. Mais elle a été rattrapée par une attaque limitée, pas à la hauteur de son milieu. Et comme Scaloni avait ajouté Paredes pour densifier un onze où l’agressivité ne manquait pas avec les présences de De Paul et Mac Allister, la Croatie est tombée sur un os.
On a vite senti que les deux équipes voulaient réduire au maximum le nombre d’événements. Cela s’est soldé par un long round d’observation, où chaque formation diffusait l’impression d’attendre l’erreur de l’adversaire pour piquer. Elle est survenue dans la surface croate. De façon assez étonnante, au vu de la rigueur habituelle de cette équipe. Julian Alvarez, lancé en profondeur dans le dos de la défense, a été télescopé par Livakovic, héros contre le Brésil bien mal inspiré sur cette sortie téméraire. Un penalty indiscutable transformé sans sourciller par Messi (1-0, 34eme).
Le coup de pouce avant le coup de grâce. Sur une percée plein axe après un appel tranchant, Julian Alvarez a bénéficié de deux contres favorables avant de tromper Livakovic à bout portant (2-0, 39eme). On attendait évidemment Messi. Classieux dans ses prises de balle orientées, déterminé sur ses accélérations, le septuple Ballon d’Or a encore joué ce match avec beaucoup de personnalité, confirmant cette agressivité maradonienne qui le caractérise dans ce Mondial où son peuple n’a d’yeux que pour lui.
Julian Alvarez, un poison qui détonne aux côtés du génie
On attendait un peu moins le jeune Julian Alvarez. Malgré ses promesses affichées plus tôt dans le tournoi, l’attaquant de Manchester City avait déçu contre les Pays-Bas. Surtout, son style peu académique détonne. Mais il faudra le surveiller comme le lait sur le feu car sa qualité d’appel – il est le seul à attaquer la profondeur -, son sens du but et son abnégation contagieuse peuvent causer bien des dégâts.
Dans cette configuration, l’Argentine a disputé la suite du match dans un relatif confort. Messi s’est offert une balle de 3-0 sur une action en solo dont il a le secret, dès le retour des vestiaires (47eme). Quelque part, le mérite de l’Albiceleste a été de ne pas reculer face à une Croatie timorée entre l’idée de se livrer totalement et la crainte de ne pas voir le match lui échapper définitivement. Un entre-deux qui a fait le bonheur des hommes de Scaloni, plus sûrs de leur fait. Et qui de mieux que le tandem Messi-Alvarez pour mettre un dernier coup de collier ?
Puisqu’ils s’étaient presque occupés de tout auparavant, le génie et son lieutenant ont scellé la qualification de l’Argentine. Messi s’est alors chargé de rappeler au monde entier que sa virtuosité a peu d’égal. Sur un rush en solitaire sonnant comme un éveil à ses jambes de 20 ans, le natif de Rosario, qui avait mystifié trois gardes du corps sur le côté droit, a distillé un caviar à Alvarez, buteur facile pour le 3-0 (69eme). L’addition était réglée.
Au cours d’une dernière demi-heure où les lignes se sont logiquement étirées, l’Argentine a géré son avantage sans trembler, sous les chants d’un public amouraché. Jusqu’au coup de sifflet final. Instant de délivrance pour Lionel Messi, les yeux vers le ciel et le poing levé. L’histoire dira si le maître à jouer de l’Albiceleste pourra conquérir l’or massif qui manque encore à sa vitrine dorée. En face, la Croatie est tombée les armes à la main – non sans regrets au vu du scénario. En se hissant pour la troisième fois de sa jeune histoire dans le dernier carré d’un Mondial, la sélection au damier a prouvé, s’il le fallait, qu’elle était bien un géant de ce jeu.